Pour qui s’intéresse aux nuits parisiennes, mais aussi, au delà des cabarets, au monde des galas et des soirées au casino, on ne peut pas, en entendant le nom de Miss Pauline, s’empêcher de penser au grand classique de Fiodor Dostoïevski, « le joueur ».

Dans ce roman, on s’en souvient, l’auteur faisait une satire des sociétés modernes européennes et de certains de leurs loisirs. Il s’intéressait aussi, de manière magistrale, au ressort psychologique qui anime quelquefois les joueurs de casino les plus fervents. Alexeï Ivanovitch, le personnage principal du roman, campe, en effet, un joueur habitué de la fréquentation des grands établissements de jeux, en Suisse, en France et en Allemagne.

La Miss Pauline du Joueur de Dostoviesky

Avec comme prédilection la roulette, ce joueur de casino ne parvient pas à s’en détacher. Il passe le plus clair de son temps à y jouer, dans l’espoir de devenir riche puis, ensuite, pour tenter d’essayer de se refaire. Si du plus emblématique des jeux de casino est devenue impulsive chez le joueur fictionnel de Dostoviesky, l’auteur montre bien comment Alexeï tente aussi d’élaborer, dans son esprit, des stratégies qui pourraient lui permettre de gagner à tous les coups. C’est d’ailleurs un des paradoxe du livre. Si l’auteur y dénonce les excès aux jeux de casino, le caractère passionné de son joueur est aussi un reflet de l’âme slave qu’il chérit. Il met même souvent cette dernière en opposition avec une certaine froideur calculatrice qui serait selon lui être le propre de l’âme européenne. En définitive c’est pourtant bien le mélange entre la nature emportée et passionnelle de Alexeï Ivanovitch et le jeu de roulette qui est le détonateur de ses excès.

La passion du casino de Alexeï Ivanovitch

Dans ce roman, Dostoïevski a introduit aussi certains aspects autobiographiques et c’est là que nous recroisons notre sujet. Notre joueur de casino invétéré est en effet amoureux d’une Miss Paulina : Miss Pauline dans la traduction française. Or, dans la réalité, l’auteur lui-même était épris d’une demoiselle nommée Pauline bien qu’il en épousa une autre finalement. Anna Grigorievna Snitkina, celle qu’il choisit de prendre en mariage n’était autre que l’employée qu’il avait contractée pour lui dicter le roman. L’histoire raconte qu’il l’écrivit en quelques semaines seulement sous la pression de son éditeur, mais ce délai suffit apparemment à le détourner de ses premières amours au profit de son assistante en écriture.

Quoiqu’il en soit, cette Miss Pauline est au cœur du livre de l’écrivain russe, et notre amateur de casino nourrit une véritable passion à son égard. C’est d’ailleurs elle qui déclenche chez ce jeune percepteur nouvellement arrivé en Allemagne, la fièvre du jeu. Elle lui demande, en effet, de jouer à la roulette, dans l’espoir d’éponger ses propres dettes. Hélas pour lui, Alexei se piquera bientôt au jeu et même un peu trop. Ainsi, c’est bientôt pour son propre compte qu’il jouera, en passant la frontière entre divertissement raisonnable et excès. A la sortie, la belle Miss Pauline élue de son cœur, ne sera jamais sienne.

En 1958 Clauda Autant Lara portait au grand écran une adaptation du joueur de Dostoviesky. C’est Gérard Philippe qui y incarnait le personnage principal. Quand à Miss Pauline, elle était jouée à l’écran par la belle Liselotte Pulver.

En dehors de ces rapprochements autobiographiques entre Dostoviesky et son roman du côté cœur, on a même souvent avancé que son joueur avait peut-être pu être un moyen pour lui d’exorciser sa propre passion pour les jeux de hasards et le casino. Le talentueux écrivain aimait en effet lui-même jouer au casino. Peut-être aimait-il cela autant qu’il le redoutait ? Si oui, ce jeu d’attraction et de répulsion qu’il a mis dans son roman pourrait s’expliquer par son propre déchirement vis à vis de cette passion devenue coûteuse. La justesse dans l’analyse des casinos et de leurs joueurs, leurs motivations et partiques, semble démontrer en tout cas que Dostoviesky connaissait parfaitement son sujet. On peut supposer qu’il était également bien informé de la différence entre passer du bon temps et dépasser les bornes. A ce propos, vous pouvez consulter cet article sur la différence entre jouer au casino de manière responsable ou y jouer de manière excessive.

Tout cette histoire ne nous dit pas, en revanche, si la belle Miss Pauline qui fut longtemps la muse des soirées parisiennes et de leur cabaret pensait, quelquefois, au joueur de Dostoviesky et à ses moments passés au Casino, à rêver de fortune et d’une autre Pauline.